Délais de paiement : êtes-vous en conformité ?

Pour des raisons économiques évidentes, le respect des délais de paiement représente un enjeu majeur pour la trésorerie des entreprises créancières mais également pour les entreprises débitrices qui peuvent être sanctionnées en cas de retard.

Le 17 juin dernier, l’Observatoire des délais de paiement a rendu son rapport sur l’année 2023 mettant en lumière une hausse de 74% des sanctions prononcées par la DGCCRF en matière de comportements de paiement.

Ce constat rappelle l’importance pour les professionnels de respecter et de faire respecter les délais de paiement.

Rappel du cadre légal et de l’encadrement des négociations

Le délai de paiement est le délai dans lequel il est possible de régler des marchandises ou des prestations de services acquises. Le délai de paiement peut être au comptant, à réception ou négocié.

A défaut de dispositions contraires prévues dans les conditions générales de vente (CGV) ou dans les conditions spécifiques convenues entre les parties (contrat, devis, bon de commande, etc.), le délai de paiement appliqué par défaut est de 30 jours à compter de la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation de services [1].

Ce délai de paiement peut néanmoins être aménagé et négocié entre les parties en prenant en compte certaines conditions légales :

-       Le délai convenu entre les parties ne peut dépasser 60 jours après la date d'émission de la facture,

-       Le délai peut être négocié à 45 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture, sous réserve d’être prévu contractuellement et de ne pas constituer un abus à l’égard du créancier.

Les parties doivent préciser la méthode de calcul du délai retenue entre les parties [2].

-       En cas de facture périodique [3], le délai convenu entre les parties ne peut dépasser 45 jours après la date d'émission de la facture,

-       En cas de vente de biens destinés à faire l'objet d'une livraison en l'état hors de l'Union européenne en franchise de base de TVA[4],le délai ne doit pas dépasser 90 jours à partir de la date d'émission de la facture, sous réserve d’être prévu contractuellement et de ne pas constituer un abus à l’égard du créancier,

-       La date de départ du délai de paiement et des délais de paiement spécifiques peuvent être convenus par les opérateurs d’un secteur en application de l’article L.441-11 I du Code de Commerce[5],

-       Des délais de paiements maximums sont encadrés dans certains secteurs économiques en application de l’article L.441.11 II du Code de Commerce[6] (transport, produits alimentaires, filière du cuir, jouets, agroéquipements etc.).

Que faire pour limiter les retards de paiement ?

Etablir une documentation contractuelle adaptée à votre activité économique

En tant que fournisseur de marchandises ou de services, il est fortement recommandé de revoir régulièrement vos modalités de paiement afin de s’assurer de leur cohérence par rapport à votre activité économique : Etes-vous soumis à des conditions de paiement spécifiques à votre secteur ? Quel est la méthode de calcul des délais la plus avantageuse ? Quels sont vos besoins de trésorerie ? Quelles contraintes de paiement avez-vous à l’égard de vos fournisseurs ? Quelles sont les difficultés rencontrées en matière de recouvrement ?

Votre documentation contractuelle (conditions générales de vente, contrats commerciaux, factures) doit exposer clairement les délais de paiement et les pénalités de retard applicables[7].

Mettre en place des procédures internes

Que ce soit en tant qu’acheteur ou fournisseur de marchandises et de services, un suivi des délais de paiement convenus avec vos différents fournisseurs ou partenaires commerciaux est indispensable. Le recensement de ces modalités de paiement (contrat cadre, conditions générales de vente, conditions spécifiques, devis, factures) est un prérequis à la mise en place de procédures internes de paiement et de recouvrement.

Ce travail d’analyse permet également parfois de relever certaines incohérences entre le contrat conclu et la pratique de facturation ou de règlement.

Les pénalités de retard

Les pénalités de retard sont une sanction pécuniaire qui s'applique pour chaque jour de retard de paiement, suivant la date de règlement légale ou convenue entre les parties. Les pénalités de retards ont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire. 

Les parties ne peuvent convenir d’un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal. Par défaut, le taux applicable est le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage[8].

Par ailleurs, tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret[9].

Les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard, l’indemnité forfaitaire de recouvrement doivent figurer votre documentation contractuelle (conditions générales de vente, contrats commerciaux, factures).

Quelles sont les sanctions pouvant s’appliquer ?

Au-delà des pénalités contractuelles et des condamnations judiciaires pouvant intervenir dans le cadre d’une procédure contentieuse, la loi encadre sévèrement le non-respect des délais de paiement.

Le 17 juin dernier, l’Observatoire des délais de paiement a rendu son rapport sur l’année 2023 mettant en lumière une hausse de 74% des sanctions prononcées par la DGCCRF en matière de comportements de paiement. Le rapport met en lumière le fait que les grandes entreprises règlent majoritairement en retard leurs fournisseurs (55 %), malgré des capacités financières conséquentes[10].

Ces sanctions peuvent notamment intervenir lorsque les délais de paiement ou les modalités de pénalités de retard convenues entre professionnels ne respectent pas les dispositions légales, en cas d’omission des mentions obligatoires dans les CGV, en cas de mauvaise application des délais de paiement convenus entre les parties ou encore en cas de retard abusif du point de départ des délais de paiement[11].

L’entreprise s'expose à une amende administrative de : 75.000 € pour une entreprise individuelle (EI) et de 2millions € pour une société. En cas de récidive dans un délai de 2 ans à compter de la date à laquelle la 1re sanction est devenue définitive, les montants sont portés à 150.000 € pour une entreprise individuelle (EI) et de 4 millions € pour une société.

Une publication systématique des sanctions est effectuée par la DGCCRF[12].

 

Le Cabinet reste à votre disposition pour toute question ou demande d’accompagnement sur l’actualisation de votre documentation contractuelle en matière de délais de paiement.

[1] Article L.441-10 du Code de Commerce

[2] La date de départ du délai de paiement doit être précisée afin d’éviter toute confusion ultérieure puisque le délai de 45 jours fin de mois peut être entendu comme débutant à compter de la date d’émission de la facture (date de facture > 45 jours + fin du mois en cours) ou à compter de la fin du mois au cours de laquelle la facture a été émise (date de facture >fin du mois en cours + 45 jours.)

[3] Article 289-I-3 du Code Général des Impôts

[4] Article 275 du Code Général des Impôts

[5] https://www.economie.gouv.fr/cepc/liste-des-accords-derogatoires

[6] Article L.441-10 II du Code de Commerce

[7] Article L.441-1 du Code de Commerce

[8] Le calcul des pénalités de retard s’effectue de la manière suivante : montant dû (TTC) x taux d’intérêt x (nombre de jours de retard / 365)

[9] ArticleD.441-5 du Code de Commerce : « Le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue au II de l'article L. 441-10 est fixé à 40 euros ».

[10] https://publications.banque-france.fr/liste-chronologique/rapport-de-lobservatoire-des-delais-de-paiement

[11] Article L.441-16 du Code de Commerce

[12] https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/injonctions-et-sanctions