Pratiques publicitaires : prudence face à l’ambush marketing

L’approche des Jeux Olympiques de Paris 2024, évènement exaltant sur le plan sportif et vecteur d’importantes retombées commerciales, est l’occasion de rappeler que l’ « ambush marketing » est étroitement surveillé lors des grands évènements sportifs.

La publicité des marques doit être effectuée avec prudence tant il est tentant de surfer sur la vague de ces évènements pour gagner en visibilité.

Qu’est-ce que l’ambush marketing ?

L’ambush marketing ou « marketing d’ embuscade » consiste pour une marque à profiter de la notoriété d’un grand événement, notamment dans le domaine sportif, sans en être un partenaire ou sponsor officiel, afin d’en tirer un profit commercial.

La jurisprudence a pu définir cette stratégie publicitaire comme « le fait pour une entreprise de se rendre visible du public lors d’un évènement sportif ou culturel afin d’y associer son image tout en évitant de rétribuer les organisateurs et de devenir un supporter officiel » [1] ou encore la stratégie « mise en place par une entreprise afin d'associer son image commerciale à celle d'un événement et donc de profiter de l'impact médiatique dudit événement sans s'acquitter des droits qui y sont relatifs et sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de l'organisateur de l'événement » [2].

Appliqué à un évènement sportif tel que les Jeux Olympiques et Paralympique de Paris 2024, cela peut se traduire de multiples manières : imitation des propriétés olympiques dans une campagne publicitaire, distribution de goodies ou achat d’espaces publicitaires à proximité des évènements, soutien aux sportifs sur les réseaux sociaux, usage de hashtags dans une communication commerciale. Les évènements sportifs tels que les Jeux olympiques véhiculent en effet des valeurs universelles à laquelle toute marque souhaiterait être associée.

De telles pratiques sont préjudiciables pour les organisateurs des évènements sportifs dans la mesure où les contrats de sponsoring sont une ressource majeure de financement de ces rassemblements. Il s'agit donc d'un manque à gagner pour les organisateurs. Cela est également préjudiciable pour les sponsors officiels puisque l’obtention d’un tel statut nécessite souvent un important investissement financier. L’exclusivité totale ou partielle de communiquer sur ces évènements en est la contrepartie directe et permet d’espérer des retombées commerciales significatives.

C’est la raison pour laquelle ces pratiques d’ambush marketing sont particulièrement surveillées lors des évènements sportifs.

Les règles publicitaires

La chambre de commerce internationale (ICC) a établi un code de communications pour encadrer la publicité et le marketing. C’est une référence mondiale en termes de bonnes pratiques en matière de publicité et de communication commerciale.

Le code de communication de l’ICC prévoit qu’en matière de parrainage (« s’applique à toutes les formes de parrainage, qu’il soit attaché à l’image de l’entreprise, à ses marques, à ses produits, à des activités ou à des événements, quelle qu’en soit la nature »), l’ambush marketing ou le « marketing par noyautage » n’est pas acceptable :

« Aucune partie ne peut tenter de donner l’impression qu’elle parraine un événement ou une couverture médiatique d’un événement, parrainé ou non, si elle n’est pas réellement un parrain officiel du bien ou de la couverture médiatique. Le parrain et le parrainé doivent tous deux veiller à ce que toute action menée par eux pour lutter contre le « marketing par noyautage » soit proportionnée, ainsi qu’à ne pas porter préjudice à la réputation du bien parrainé, ni affecter indûment les membres du grand public ».

La pratique de l’ambush marketing n’est pourtant pas interdite en soi et n’est pas encadrée légalement.

Toute appréciation des éventuelles conséquences juridiques est faîte au cas par cas.

Cette pratique peut être sanctionnée sur différents fondements juridiques tels que le droit de la propriété intellectuelle, le droit de la consommation, l’action en responsabilité civile ou encore le droit du sport.

Les propriétés olympiques et paralympiques

L’ambush marketing est apprécié de manières encore plus stricte lors des Jeux Olympiques compte tenu du statut spécifique des propriété olympiques et paralympiques.

Les propriétés olympiques sont protégées par des droits de propriété intellectuelle tels que par le droit des marques, le droit d’auteur, le droit des dessins et modèles [3].

Les propriétés olympiques désignent le symbole, le drapeau, la devise, l’hymne, les identifications (incluant « Jeux Olympiques » et « Olympique »), les désignations, ainsi que toute œuvre musicale, audiovisuelle, ou créative commandée en relation avec les Jeux Olympiques.

Les propriétés olympiques et paralympiques sont détenues par le Comité international olympique (CIO), le Comité international paralympique (IPC), mais sont également détenues au niveau national par les Comités nationaux olympiques (CNO)[4], les Comités nationaux paralympiques (CNP)[5].

 Les propriétés olympiques ne peuvent pas être utilisées sur un territoire donné sans l’autorisation du CIO.

Comment communiquer lors des Jeux ?

Il convient de différencier les partenaires et sponsors« officiels » des Jeux Olympiques de Paris des autres marques.

En ce qui concerne les partenaires et sponsors « officiels », ils bénéficient d’un droit exclusif sur les propriétés olympiques et sont autorisés à les utiliser à des fins promotionnelles et publicitaires conformément aux dispositions contractuelles convenues.

Le CIO indique clairement qu’en dehors du CIO, des partenaires olympiques et de la famille olympique, toute demande d’utilisation des propriétés olympiques, directement ou indirectement, à des fins commerciales ou promotionnelles sera refusée.

Pour les autres entités qui ne sont ni partenaires ni sponsors des Jeux, la communication sera plus restrictive. Il sera possible de se référer à l'évènement en indiquant un fait d'actualité, une information connue de tous.

Toute ambiguïté sur le statut de sponsor officiel ou l’implication de la marque dans la conduite des évènements pourra être considéré comme fautive.

En pratique, la frontière entre la communication d’une information et la constatation d’un comportement opportuniste fautif peut être fine.

Les risques de l’ambush marketing

La pratique d’ambush marketing peut être sanctionnée sur le fondement de l’action en contrefaçon (que ce soit en droit des marques, en droit d’auteur ou sur les dessins et modèles), de l’action en parasitisme, de la concurrence déloyale ou encore du droit du sport.

Toute appréciation sera effectuée au cas par cas.

A titre d’illustration, la mention des termes « C’est parti pour les jeux Olympiques », « #jeux Olympiques » ou encore « #JO2018 » dans une communication à des fins commerciales ont été considérés comme des actes contrefaisant[6].

De manière plus subtile, un message d’encouragement de l’équipe de France de rugby et de son sélectionneur dans un encart publicitaire a pu être considéré comme révélant une volonté manifeste de rattacher directement la marque à l'équipe de France, sans s'acquitter des frais de partenariat nécessaires pour se prévaloir d'un tel lien [7].

Certaines opérations peuvent néanmoins échapper à ces sanctions lorsqu’elles sont présentées de manière astucieuse ou décalée telles que la commercialisation de bouteilles de bières customisées aux couleurs des pays ou de chips dont le packaging mentionnait« partenaire des supporters à domicile » lors de l'Euro 2016. La Cour de Cassation a pu considérer que la simple référence à un score n’est pas suffisante dans le cadre d’une publicité visant à faire la promotion d’une automobile [8].

La maîtrise de la communication des marques est donc cruciale pour limiter les risques d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle ou de comportements sanctionnables sur les fondements légaux ou contractuels ci-dessus évoqués. Ces risques sont d’autant plus importants lorsque les évènements sportifs concernés sont les Jeux Olympiques.

 Le Cabinet reste à votre disposition pour vous accompagner dans vos problématiques en matière de communication commerciale.

 

[1] CA Paris, 10 février 2012, RG n°10/23711

[2] CA Paris, 8 juin 2018, RG n°17/12912

[3] https://olympics.com/cio/proprietes-olympiques

[4] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000045293985

[5] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000045293978?idSecParent=LEGISCTA000006137769

[6] TJ Paris, 29 mai 2020, RG n°18/14115

[7] TJ Paris, 27 juin 2014, RG n°12/12555

[8] Cass. Com, 20 mai 2014,n°13-12102